Nerval

 

 

Quel soulèvement des Chimères ?

en quel “élément” ?

 

 

Vidé de l’abcès d’être quelqu’un,

je boirai à nouveau l’espace nourricier.

 

(Henri Michaux, “Clown”)

 

« champ de têtes » ... « ouragan de faces humaines » ...

 

Inévitable, soudain (ce rapprochement -- en pensant, bien entendu, à la mort de la mère de Nerval – n’a pu que s’imposer à maints lecteurs de Nerval),  de laisser revenir, en coup de vent, Adieu , le récit  de Balzac en lequel surgissent des visions comme celles que je viens de citer .

Serait-ce tout près ou très loin du flottement propre aux Chimères qu’on pourrait croire sentir dériver la folie de « Stéphanie de Vandières » (à qui, dans cette nouvelle, l’imagination du romancier, aura fait vivre la Bérézina), mais aussi le lourd mugissement de ce que Balzac fait voir-entendre en une « masse humaine », en une « forêt d’hommes », en une « masse de cadavres »  -- où s’entr’apercevraient des « figures, [qui] décomposées par le froid, étaient enduites d’une couche de boue » ?  De quelle affreuse matière humaine le romancier aura-t-il tenu à nous faire frôler l’épanchement ?

Et nous – « nous » ? – aujourd’hui, n’est-ce pas à travers un XXème siècle où des masses furent livrées à des destructions infigurables, que nous percevons, non moins que la nouvelle de Balzac, Les Chimères  et – fût-ce dans une incomparable (et soudain spécifiquement féroce) translucidité[1] --  leur désamarrage  sui generis ?

 

*

*    *

 

Souriants, voire badins,  les mots que Nerval glisse vers la fin de sa lettre à Dumas ? « ...il faut que vous les entendiez tous » : rien qu’une requête jetée au passage dans une conversation de salon ? Ou bien une injonction brusquement haletante, au bord d’une chute hors de tout rapport ? 

« ... entendiez ... » ?  s’agit-il d’une écoute amicalement réclamée  ou bien, soudain, de l’intelligibilité même de ces sonnets en passe de devenir impossible ?

 

Mais encore... pourquoi : « tous » ?

Serait-ce que tous ces sonnets, apparemment non liés entre eux (sinon ceux qui, dans le « Christ aux oliviers », se lient-délient  de sorte que les rapports entre les cinq poèmes -- ou entre les figures qui y surgissent -- se font énigmatiques pour se livrer à des dérives invenveloppables dans quelque histoire humaine globale ou même  dans un représentable cosmos) ont besoin les uns des autres pour se faire comprendre

Ou, plus immédiatement, plus sensiblement (dans notre regard, pour notre écoute), faut-il donc que ces poèmes -- en s’aidant de leurs réalisations rythmiques, en se frôlant de leurs palpitations quasi simultanées -- ne cessent de prendre tous ensemble leur essor ?

 

*

 

Qu’est-ce donc qui soulève  Les Chimères ?  A quel flottement sui generis se livrent ces douze sonnets ? Quel « élément » n’auront-ils cessé, par  -- entre, sous --  tous leurs traits, d’induire à sourdre ou affluer énigmatiquement pour s’en faire porter ?

Une élusive transparence (fût-elle obscure) : voilà qui serait de nature à se dérober à toute identification...

Ces poèmes n’ont globalement pas trait à des événements qui appartiendraient à une histoire ou à un monde réel ou fictif, à des réalités reconnaissables par tous les lecteurs (fût-ce conflictuellement).

Ce qu’ils donnent à « entendre » ou, avec une fugace insistance, à sentir, s’impose à nous (à travers tous leurs contenus plus ou moins identifiables) selon une puissance atmosphérique, ou élémentaire... ou « élémentale ».

 

Des ondes d’une clarté trop vive ou d’une résistante obscurité (« car la nuit sera noire et blanche ») battent dans ou entre ou sous ces poèmes... Elles transissent notre attention de leurs insatiables imminences. A quels flottements nous faut-il donc accepter, lecteurs-auditeurs, d’être nous-mêmes livrés ?

 

*

 

Quelle nuit sui generis ? Ou, soudain, quelle vive luminosité atmosphérique descellant toutes les opacités ?

Inenveloppable, la fluidité, soudain cruellement dissolvante qui vient à se dire dans Le Christ aux Oliviers -- en particulier dans les sonnets II et III... 

Et voici que peuvent se révéler transis la matière (« l’écorce des pierres »  dans « Vers dorés ») ou l’écart entre deux êtres humains (dans Aurélia, entre Saturnin et le « je »), par « un pur esprit » qui aurait, cependant, la réalité expérimentable d’ondes magnétiques.

 

Oui, une intensité élémentale spécifique infuse ou se diffuse dans « Vers dorés ». Leur apparence d’enseignement archaïque-moderne) semble tendre à une communication immédiate, à une « influence » susbtantielle...

« Un mystère d’amour dans le métal repose » : au « magnétisme », Nerval aura consacré d’autres phrases, en prose, plus explicites, voire anecdotiques ...

Affirmer (sur le ton de la révélation) qu’un « mystère d’amour » n’attendrait, dans « le métal », que d’être réveillé, c’est (comme le feront artistes et poètes antinewtoniens, de  Blake à Keats) résister (en écho aux maintes dérivantes pratiques et écrits sur le « magnétisme animal »  --  qui, déjà, virent au parodique dans  Cosi fan Tutte) à l’objectivation scientifique moderne... C’est  (vouloir) croire libérer – dans cet ultime poème des  Chimères : par et pour la gravité prophétique de ces vers -- la diffusion élémentale d’ondes réelles transissant l’objectalité séparatrice des êtres[2].

 

*

 

Et dès l’ouverture des Chimères, n’est-ce pas à des palpitations de nuit ou de brusques éclairements que nous aura livrés le sonnet initial « El Desdichado » ?

Quasi-opératique, l’« ouverture » du sonnet  -- qui est en même temps celle du recueil ...

Le « je » s’avance, par et dans le déroulement des vers, comme sur une scène où la lumière -- localement appelée par les brèves auto-identifications du « je » se déclarant lui-même – touche à une nuit où pourraient se deviner (dans quelle impossible salle de théâtre ou d’opéra ?)  les innombrables et anonymes attentions d’un public.

 

*

 

« Le poète n’est personne » déclarait, dans une lettre, John Keats (qui écrira sa propre épitaphe... élémentale : « Ci-gît quelqu’un dont le nom était écrit sur de l’eau ») : il n’acquiert une présence reconnaissable qu’en entrant dans son poème comme, en effet, sur une scène que ses pas  -- ou plutôt les syllabes de ses vers --  susciteraient à mesure.

 

Ou encore voici --  non loin, certes, des poètes -- Mozart !

Le compositeur  (dit le romancier allemand Hildesheimer dans sa biographie de l’auteur de  cette Flûte enchantée   que Nerval, dans son Voyage en orient, avoue avoir rêvé de faire jouer dans la pyramide de Khéops) n’est personne dès lors qu’il n’a plus, au moment décisif, d’autre identité que celle du personnage qu’il se fait devenir. Une identité de théâtre ?  Ou, non moins, celle d’un thème musical par le déroulement duquel il avance, il va basculer ou flotter, nimbé d’une lumière suscitée à mesure (et pour laquelle déjà bée la nuit d’une salle moutonnant d’attentions inidentifiables) ?

 

*

 

 En tête des Contemplations, Hugo, en une de ces déclaratives définitions qu’il affectionne, écrit : « Qu’est-ce que les Contemplations ? C’est ce qu’on pourrait appeler, si le mot n’avait quelque prétention,  les Mémoires d’une âme. »

Et Hugo définit alors une manière d’ « élément » propre aux  Contemplations : « Ce sont, en effet, toutes les impressions, tous les souvenirs, toutes les réalités, tous les fantômes vagues, riants ou funèbres, que peut contenir une conscience, revenus et rappelés, rayon à rayon, soupir à soupir, et mêlés dans la même nuée sombre ».

« ... la même nuée sombre » ? mais aussi : cela « que peut contenir une conscience » ?

L’« élément » des  Chimères  est tout autre : il demeure pour jamais indéfinissable  --  tout de fluidité rebelle. Il ne saurait se laisser envelopper  dans une intériorité, si vaste soit-elle. Rien de ce contenu d’un « moi » auquel Hugo entend donner la puissance d’un immense appel identificatoire à l’humanité même (« Hélas ! quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! insensé, qui crois que je ne suis pas toi ! »).

 

*

 

« Un grand désert d’hommes » : Les Fleurs du mal ouvrent à leur manière un espace-temps commun, fût-ce le plus aride, celui où règne « la tyrannie de la face humaine » ... (et les poèmes qui -- « Elévation », « Correspondances », « L’invitation au voyage » -- paraîtraient un moment s’échapper de cet « entre » moderne, n’en dissolve pas l’obsédante effectivité).

 

Mais dans Les Chimères ?

On ne respire guère, dans chacun de ces sonnets ou dans leur coexistence même, de l’«entre humains ». Impliqué par les vers, ce qui se crée et recrée est bien plutôt un élément sui generis – nuit « noire et blanche » ? – qui ne se laisserait identifier à rien de contemporain ou de préexistant : une translucidité où, si des rapports se forment, c’est aussi pour se redissoudre en énigmes.

 

*

 

Aux infixables dérives infra-temporelles ou  ultracosmiques des cinq sonnets  flottant dans « Le Christ aux oliviers » de Nerval, on ne peut qu’opposer le discours du Christ dans « Le Mont des oliviers » de Vigny.

Dans ce tardif et ample poème de l’auteur des  Destinées, jamais la parole ne saurait être « lâchée », même si elle doit finir par n’affirmer plus que « le silence »...

 

En revanche, chez Nerval, dans la suite où se lient et délient ses cinq sonnets, quelle paradoxale évidence d’inenveloppables suspens ! Quels vacillements dans une cruelle limpidité !

D’incirconscriptibles désamarrages, là, viennent à se former-formuler  ou, élusivement, à seulement ss’impliquer   -  au prix que le souffle même risque de se perdre dans et entre les vers, les strophes, ou les cinq poèmes.

 

*

*    *

 

Il est singulier, sans doute, que des  sonnets réguliers comme ceux des Chimères s’allient à d’intenses suspens (à mesure suscités), ou à des souffles qui ne peuvent que se faire, fût-ce cruellement, partenaires « élémentaux » des alexandrins.

Ne revient-il pas plutôt aux vers libres,  à des réalisations poétiques ne se pliant à aucune forme préexistante et partageable (fût-ce, pour le même poète, d’un poème à l’autre), de se créer  --  dans le blanc ou le silence mêmes toujours autrement induits à s’amasser auprès d’eux, voire contre eux -- des partenaires implicites de nature à leur couper la parole, et qui, en tout cas, font (par de toujours différents rabattements vers la « justification » à gauche) que le dire poétique ait à rebondir imprévisiblement et à se créer maints élans divers.

 

Et n’est-ce pas électivement dans des poèmes  ainsi constitués que viennent à se thématiser des présences pulsatiles imprévisibles  -- par exemple chez Michaux (ainsi dans le monde des morts – très loin, tout près – de « L’espace aux ombres ») ?

Combien de poèmes auront fait, toujours autrement, du silence-et-blanc une réalité paradoxale ou dangereuse (ainsi du terrible « Lait noir de l’aube »  « Schwarze Milch der Frühe » par quoi s’entame la Fugue de mort de Celan)  ne venant à se dire que pour imposer enfin un insurmontable et glacial suspens ?

 

*

 

Et le support même – le papier --, n’arrive-t-il pas encore qu’on le sente investi  d’une effectivité, voire d’une activité élémentale inespérée ?

« Forcener le subjectile » : Artaud (le plus « réel » lecteur des  Chimères ?) parle ici plutôt de l’acte de faire surgir, comme du papier même, des formes ou figures.

Or, dans la marge du manuscrit de la « Rêverie de Charles VI », que réalisent donc (au bord du texte – en même temps qu’ à l’écart de tout projet de publication) les tracés griffonnés par Nerval... ? Ce probable sceptre que semblent menacer, perpendiculairement, des ciseaux, que veulent-ils imposer, voire attaquer, au flanc du texte ? Les vers (d’une réplique théâtrale) comme tels ? Voire le support même où Nerval se sera acharné à laisser – phrases, vers, et, non moins, motifs dessinés – des traces encore ?

 

*

*    *

 

Morale élémentaire : tel est le titre d’un tardif livre de poèmes[3] publié en 1975 par Raymond Queneau. De « l’élément », encore, chez un auteur qui déclara que Nerval, pour lui, comptait plus que Mallarmé[4] ?

Les enfants du limon : c’est en 1938 que Queneau avait publié un étrange roman qui empruntait son titre aux derniers mots du  Christ aux oliviers :. Deux personnages

 improbablement associés – Chambernac, « proviseur d’un lycée de province », et Purpulan, « démon subalterne » --  s’y vouaient à constituer une encylopédie de « fous littéraires » (expression de Charles Nodier), soit d’auteurs d’un livre que personne n’aurait jamais lu. (Après la mort de Queneau fut publié ce qui avait été, avant le roman, sa propre encyclopédie – rejetée par tous les éditeurs...[5])

 

Les enfants du limon, donc : pourquoi ce titre nervalien ? Le noms de certains personnages du roman – « Sophie » , « Hachamoth » -- proviennent évidemment de la Gnose (tradition à laquelle s’intéressèrent plusieurs grands historiens des religions, en particulier au début du XXème siècle).

Pour Nerval, et, sur ses traces, pour Queneau (qui aurait déclaré que, pour lui, Nerval comptait plus que Mallarmé), « Celui qui donna l’âme aux enfants du limon » ne serait-il pas, à en croire quelque révélation gnostique, le vrai créateur  originaire – mais aussi celui qui aurait été exilé au plus loin de sa création par une puissance mauvaise dès lors régnant sur ou dans le monde ?

 

Hérité de Nerval, le « limon » ? C’est aussi dans les écrits délirants qu’ils collectent que les deux encyclopédistes peuvent le redécouvrir. (Ainsi dans « la brochure du Lyonnais anonyme, Auguste B... » que Chambernac a trouvée « à la Bibliothèque Nationale sous la cote Vp 10358 » et dont il s’acharne à lire quelques passages logorrhéiques  à des auditeurs consternés[6].)

 

*

*    *

 

Boue et poussière  (« pulvis » ![7])  : Queneau et Bataille auront un moment partagé le plus ambigü des attraits pour cela en quoi tous les êtres et donc  --  énigme inapaisable de l’effacement radical --  les humains sont voués à retomber[8]

Et Michaux, des années plus tard, publiera : « Vents et poussières : 1955-1962 ».

Oui, ce qui vient alors à dire dans des vers ou dans des phrases en suspens s’impose aussi comme ce à quoi les énoncés ne peuvent qu’être livrés, comme cela en quoi ils s’exposent à dériver ou risquent de se trouver ravalés, effacés -- comme n’ayant jamais eu lieu.

 

 

 

*

*     *

 

« Le dieu Kneph en tremblant ébranlait l’univers »

 

Qu’impose (au prix d’une inversion de tous les repères  symboliques et spatiaux concevables) cette présence opaque, cadavérique en même temps que féroce, qui, dès le premier vers du sonnet « Horus », est dite flotter à l’origine ou au sommet du monde ?

« Kneph » ! Ce nom même se fait souffle mauvais – et ne va se retirer qu’en apparence.

 

Certes, un déploiement élémental, tout mouvant de métamorphoses – et aérien, lumineux, océanique – vient, dans la suite du poème, à se libérer grâce à l’envol d’Isis...

Mais il aura fallu que d’abord que se soit imposée une hiérogamie inversée, toute grimaçante de haine  --  et telle que la mort sans fin du dieu originaire menacera à jamais de rayonner obscurément en une perpétuelle imminence, en une haleine d’insatiable cruauté : « ... ce vieux pervers ... » !

 

Impossible, soudain  -- à éprouver le cruel paradoxe de cette pesante agonie céleste  --,  de ne pas penser aux ultimes peintures noires de Goya[9].

Les  monstrueuses Parques ! Les voici flottant au-dessus du monde. On reconnaît – non sans sidération et avec une répulsion fascinée – les trois entités mythologiques, dont l’une dévide une bobine, une autre mesure le fil et la troisième le coupe avec des ciseaux. Et puis on se trouve également face à une quatrième figure, moins identifiable : n’est-ce pas l’être humain qui, comme tel, accablé, nous fait face ?

Ces  corps énormes, ces visages aux traits brutaux, on ne peut, même s’ils flottent dans les airs, que les percevoir comme pétris de la boue la plus lourde (voire fécale)...

(Et devrait-on  alors se faire réentendre le souffle terreux : « Kneph ! » ?)

 

Un coup d’oeil encore aux (reproductions des) peintures noires de Goya -- et  à la plus simple d’entre elles : à ce qui y apparaît comme un ultime regard. 

Un regard de chien !

L’animal est happé par de la boue opaque (comme, dans une autre peinture, deux hommes en train de se battre à coups de gourdins et s’enfonçant dans la boue – jusqu’aux genoux, déjà).

Seule émerge encore la tête du chien. Le museau est pointé vers ou dans le ciel... Le ciel ? rien de plus qu’un autre étalement boueux, un peu moins opaque, tout au plus, que celui, supposé, du sol.

Quel présent, là ? quelle  absence d’avenir, dès lors ?

Même si c’est dans ce qui reste d’allusion au ciel qu’elle émerge, la tête de la créature à peine vivante est déjà restituée au limon.

 

 


 

 


[1] Adieu en vient – c’est  le nœud du récit – à une apparence d’issue hors de la boue cadavéreuse ou hors de son insurmontable souvenir : la fuite (dont le récit n’aura évoqué qu’à peine la durée et le terrible coût) de celle qui, désormais livrée aux dérives de la folie, se vivra comme changée en oiseau ou en « fille de l’air ». La conséquence n’est-elle pas alors – la jeune femme se faisant toute transparence sur- ou infra-humaine -- , une fuite  hors du monde, une échappée ignorant farouchement le réel même ?

[2] Quand et où des réalités supposées toutes d’une rude effectivité matérielle (« l’écorce des pierres ») sont-elles surprises à se restituer, par vagues et ondes, en la plus traversable fluidité ?  

Dans  Aurélia (début de la première partie V), de lourdes et obscures constructions --   telles que les explore, dans leurs superpositions multi-séculaires, l’investigation archéologique (« Il me semblait que mes pieds s’enfonçaient dans les couches successives de différents âges ») -- paraissent se livrer à une inespérée fluidité de l’air ou de la lumière : « [...] et cela me représentait l’aspect des fouilles que l’on fait dans les cités antiques, si ce n’est que c’était aéré, vivant, traversé des mille jeux de la lumière ».

[3] Des poèmes où le choix de formes fixes – mais qui, loin d’être héritées ou « partagées », sont créées spécialement pour ces  poèmes – joue un rôle paradoxal.

[4] Dès 1917 (en pleine guerre, donc) le poème « Les derniers jours » se souvient des  Chimères: «Et le soleil n’est plus qu’un astre noir, / il n’y a plus ni jour, ni nuit, /Car tout est plongé dans le Néant Relatif. / Et des hommes petits, vils, courent et courent / Comme des fourmis. Ils sont aveugles. »

 

 

[5] « Aux confins des ténèbres / Les fous littéraires » (Les cahiers de la NRF, Gallimard 2002).

[6]Par exemple : « Dans les entrailles de ce limon a dû se former une chaleur causée par la fermentation, qui a dû produire un feu semblable à celui du mont Vésuve  [...] » .  Les quelques auditeurs de cette lecture ne peuvent y tenir ; ainsi Mme Hachamoth (au nom gnostique] qui déclare « ça me fait mal d’entendre ça » et « se retire».

[7]  « Quia pulvis es » est le titre d’un des poèmes des  Contemplations.

[8]  « Je te montrerai l’effroi dans une poignée de poussière » lit-on dans  The Waste Land (trad. Pierre Leyris] du catholique T.S. Eliot. Et dans  les Quatre Quatuors (1936-1942) du même auteur : « De la poudre en suspens dans l’air/ Marque une histoire terminée./ Cette poudre fut un logis... »)

(Dans les derniers vers de  The Waste land  se sera insinuée une citation de Nerval : « Le prince d’Aquitaine à la tour abolie ». A vrai dire, dans le fac-similé du manuscrit, les mots tracés de la main de T.S. Eliot, il faudrait plutôt lire – mince erreur silencieusement rectifiée dans l’édition imprimée --  : « Le prince d’Aquitaine de la tour abolie » ...)

[9] Rien, bien entendu, d’une relation « réelle », biographiquement advenue, entre ces peintures de Goya et Les Chimères. Pour support de ces œuvres ultimes (1819-1823), le vieillard  Goya n’aura eu que les murs (le plâre) de la maison – la Quinta del Sordo --  où il vivait .

 

Claude Mouchard