Vers un Grünewald
Errant dans la correspondance de Celan avec Gisèle, je tombe sur la mention d’une visite qu’il a faite au musée Unterlinden.
Il est dit qu’il s’est arrêté longuement devant la Crucifixion (du retable) et qu’en partant il « aurait répété: « Es ist genug ! »
Ce « genug » me rappelle (dans une aveuglante opposition) la cantate de Bach « Ich habe Genug » — où le vieillard Siméon chante que, puisqu’il vient de voir le Sauveur enfant (lors de la présentation au Temple, je crois),
il est comblé: « il a assez » … pour pouvoir mourir.
Moins d’un mois après ce moment face au Christ torturé de Grünewald, Celan se jette dans la Seine.
Dans ce même volume, les dernières notes mentionnent qu’en 1991 (j’avais fait sa connaissance peu auparavant et nous commencions à être amis), alors qu’elle vient d’apprendre qu’elle a un cancer dont elle va rapidement mourir, elle recopie un saisissant passage sur Grünewald (sur le blanc… ) de José Angel Valente.